Commissariat
C. Raman Schlemmer Emma Lavigne, Directrice du Centre Pompidou-Metz
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Commissariat
C. Raman Schlemmer Emma Lavigne, Directrice du Centre Pompidou-Metz
Le Centre Pompidou-Metz consacre à partir d’octobre une exposition à l’artiste et chorégraphe allemand Oskar Schlemmer (1888-1943), qui révolutionna l’art de la danse et de la performance au sein du Bauhaus notamment.
En plaçant l’étude du corps en mouvement et du corps dans l’espace au cœur de sa réflexion artistique, Oskar Schlemmer a posé des jalons précoces et essentiels dans l’histoire des arts scéniques. L’exposition témoigne de son désir de créer un art de la scène moderne à part entière à travers son œuvre-manifeste, Le Ballet triadique, mais aussi ses performances et installations, les Danses du Bauhaus et les fêtes du Bauhaus, ou encore ses mises en scènes d’œuvres d’Igor Stravinksy ou Arnold Schönberg.
L’ambition d’Oskar Schlemmer n’est autre que de renouveler la conception de l’art de son époque, reliant les conceptions humanistes de la Renaissance et l’énergie de l’avant-garde. A l’issue de la Première Guerre mondiale, Schlemmer prend conscience de la nécessité de réévaluer la place de l’homme dans ce nouveau monde envahi par la technique. Cette période, qui a vu éclore de nouvelles idées théâtrales d’avant-garde, est marquée par l’élaboration du Ballet triadique. Aboutissement de dix années de recherches, cette danse, libérée de toute règle préétablie, est imaginée à partir de costumes polychromes mis en mouvement. Lors de la première du ballet en 1922 à Stuttgart, Schlemmer lui-même endosse un costume, celui de L’Abstrait, qui incarne le « triomphe de la forme pure abstraite ». Ce sont ces treize figures du Ballet triadique qui se déploient sur une scène centrale dans l’exposition, suivant l’évolution progressive des séquences colorées du spectacle : l’univers jaune burlesque, l’environnement rose plus mesuré et enfin la séquence noire mystique et fantastique. En regard de celles-ci, un document exceptionnel, le livre d’esquisses Danse Figures, rassemblant 80 pages de croquis et études préparatoires, dévoile la genèse de l’œuvre.
« L’histoire du théâtre est l’histoire de la transformation de la forme humaine », écrit Schlemmer en 1925 dans L’homme et la figure d’art. Il place ainsi l’étude du corps au cœur de sa réflexion artistique et de son enseignement au Bauhaus. Ses nombreuses conférences reflètent les débats qui animent l’école à l’époque autour de la synthèse des arts, de l’importance de la maîtrise des matériaux et techniques ou encore de la place de l’homme dans l’espace. Cette période de création féconde témoigne de recherches rigoureuses, qui tendent à se détacher d’une anatomie fixe pour réinventer un corps non déterminé. Schlemmer expérimente alors la combinaison de matériaux dans le prolongement du corps et invente des formes chorégraphiques nouvelles, telles la Danse des bâtons, la Danse du métal ou encore la Danse du verre, documentées dans l’exposition avec des sources pour certaines inédites.
Schlemmer s’est également illustré par l’organisation de grandes fêtes au Bauhaus, moments de jubilation et de cohésion où la fantaisie artistique des professeurs et des étudiants s’est exprimée pleinement, avant la fermeture de l’école par les nazis en 1933. Cette monographie non conventionnelle et les événements qui lui sont associés (performances et danses réactivées ou revisitées, concerts) renouent avec cet esprit festif et expérimental du Bauhaus des années 1920.
Le visiteur est ainsi invité à déambuler librement dans le monde foisonnant d’Oskar Schlemmer, artiste multiple, peintre, danseur, chorégraphe, théoricien exigeant et ouvert à toutes les nouveautés. L’exposition mêle œuvre graphique et peint, figures et costumes, rideau de scène, masques, sculptures, affiche, documents d’époque et pièces spectaculaires pour la plupart issus des collections du Bühnen Archiv Oskar Schlemmer. À travers l’œuvre d’Oskar Schlemmer, on découvre aussi un autre Bauhaus, loin d’une simple école d’arts appliqués, terrain essentiel d’expérimentations performatives et chorégraphiques dans l’entre-deux-guerres dont les échos sont encore perceptibles aujourd’hui.